Le projet Diogène : rencontre avec Mathieu Blais

Si tu ne viens pas au cégep, le cégep ira à toi ! C’est la devise qui pourrait caractériser le projet Diogène (ou « Édouard prend la rue ») que notre collègue Mathieu Blais est en train de mettre sur pied.

Jean-Léon_Gérôme - Diogène

Jean-Léon Gérôme, Diogène, 1860.

Qu’est-ce que le projet Diogène ?

Il consiste à développer une offre de cours multidisciplinaire de niveau collégial s’inspirant de l’éducation populaire. L’idée est de mettre sur pied un centre d’éducation populaire mixte (institutionnel et communautaire) au sein même du cégep. Certains cours seraient crédités et auraient notamment pour objectif de lutter contre la pauvreté et l’exclusion en favorisant la persévérance scolaire au niveau collégial. Ces cours miseraient sur une pédagogie alternative, pourraient aborder des enjeux féministes, sociaux et citoyens, etc. Certains autres cours complémentaires ne seraient pas crédités mais auraient pour but l’échange et la diffusion des connaissances en partenariat avec différents groupes communautaires de l’agglomération.

L’idée est de faire en sorte que des jeunes qui ont des parcours scolaires atypiques et qui seraient susceptibles de décrocher dès les premières sessions ne le fassent pas.

Qu’est-ce que l’éducation populaire ?

C’est une éducation où les participants définissent ce qu’ils veulent apprendre, une éducation axée sur le citoyen, sur ses besoins et sa réalité. Le défi est de répondre aux exigences de l’institution scolaire tout en tenant compte des étudiants. Je crois vraiment que si on outille correctement 15 étudiants au parcours scolaire atypique au sein d’un petit groupe, ils seront à même de réussir, alors qu’ils ne le pourraient pas dans un groupe de 40. Plusieurs étudiants qui éprouvent des difficultés sont accompagnés pendant leur secondaire. L’idée est de les accompagner également au cégep.

Comment est né le projet ?

Le déclic a eu lieu à l’hiver 2013. Le fait d’être en contact avec certains étudiants qui n’étaient pas à leur place au cégep a fait naitre en moi une réflexion sur l’équité des chances et la responsabilité qui nous incombe à nous enseignants mais aussi à l’institution d’enseignement. Les difficultés rencontrées par ces étudiants au parcours cahoteux étaient en effet souvent associées à une trajectoire de vie qui présentait des contraintes majeures à leur réussite scolaire.

J’ai donc soumis un projet à la coordination du Département de littérature et de français, à l’hiver 2015. Le projet a fait son chemin jusqu’à la direction ; il a été accepté et c’est maintenant le moment du développement.

Je crois vraiment que les cégeps et les universités ont le devoir de partager leurs connaissances et leurs infrastructures avec la population, de redonner à la société. Il y a donc un ancrage naturel entre le cégep et des projets d’éducation populaire.

Quel est le plan d’action ?

L’objectif de l’année 2015-2016 est de faire des liens avec les organismes communautaires, élaborer un projet-pilote, voir quels cours pourraient être offerts en plus des cours de littérature (probablement des cours de sciences humaines, de philosophie, d’éducation physique et d’anglais), voir comment le projet pourrait fonctionner. Après, j’espère bien qu’on pourra mettre tout ça en place localement.

Diogène est un philosophe grec né à Sinope en 413 avant J.C. et mort en 327 avant J.C. Appartenant à l’École des cyniques, il considérait les richesses et les conventions sociales comme une entrave à la liberté humaine. Il logeait dans un tonneau (en fait une grosse jarre) et se promenait en plein jour avec une lanterne, car, disait-il, il «cherchait l’homme et ne trouvait que des hommes.»

Émilie Jobin

Emmanuelle Walter interviewée par Pascale Millot

Soeurs-VoleesDans cette entrevue que notre collègue Pascale Millot a menée pour la Gazette des femmes, l’auteure de l’essai Sœurs volées, enquête sur un féminicide au Canada (Lux éditeur) évoque un fléau méconnu : la traite des femmes autochtones au Canada.

Emmanuelle Walter sera l’invitée de notre collègue Julie Lachance lors d’une conférence au Cégep, le 18 novembre, à midi, au local C-30.

Coup d’essai, coup de maitre ?

En publiant son premier livre un essai   Jean-Claude Brochu réalise un vieux rêve…

JC Brochu

Photo : Julien Catella

Il vient juste d’arriver sur les tablettes et il porte un titre doux et modeste. À l’image de son auteur. Jean-Claude Brochu sort son tout premier livre. Premier livre, peut-être, mais certainement pas premier écrit. « J’écris de façon sérieuse depuis 40 ans », explique celui dont personne n’oserait mettre en doute le sérieux… « Et je le confesse, c’était un rêve pour moi de publier un livre. » L’occasion s’est présentée quand notre ancien collègue Jonathan Livernois lui a offert une place dans la collection d’essais qu’il dirige aux éditions Leméac. Jean-Claude Brochu s’est donc replongé dans les textes qu’il a publiés au fil d’une trentaine d’années dans des revues (Moebius, Trois, Les Écrits) et un fil conducteur s’est vite imposé : le roman d’apprentissage. De la naissance à la mort, des origines à l’absolu, les écrits réunis dans Un peu de chaque chose, presque rien du tout (un titre qui, souligne le professeur Brochu, peut se lire autant comme une antithèse que comme une gradation descendante) parlent de ce que l’on apprend bien sûr, mais aussi de ce que l’on perd. « Vivre ses deuils, c’est peut-être ça vieillir. Mes deuils à moi, je les ai beaucoup vécus crayon en main. Je les ai faits en les écrivant. » Et aussi, à travers les œuvres des écrivains qu’il admire et dont il est beaucoup question dans ce livre: Jacques Brault, Julien Green, Gabrielle Roy, Marguerite Duras, notamment.

Origines, enfance, études, enseignement, écriture, amour, absolu, l’ouvrage est structuré selon sept grands thèmes qui, on s’en doute, balisent aussi le parcours biographique de l’enseignant…

Et maintenant que le rêve est réalisé ? Que l’objet est sur la table ? Maintenant, comme Montaigne, l’écrivain peut se reposer… « Maintenant, cela ne m’appartient plus et c’est indigne des lettres de s’en préoccuper », conclut-il.

Un peu de chaque chose, presque rien du tout, Leméac Éditeur, 168 pages.

Pascale Millot

Stéphanie Bellemare-Page publie son premier roman

Chaque fois, je t’invente évoque la perte des êtres chers, mais aussi une forme de rédemption par la fiction.

Photo : JC Saumure

« J’ai écrit au fil des ans plusieurs nouvelles qui tournaient toutes autour d’une disparition, de la perte d’un être cher. Mes personnages tentaient, par l’imaginaire, de renouer avec ces personnes disparues. J’ai fini par garder la meilleure histoire et je l’ai étoffée suffisamment pour qu’elle devienne un petit roman », explique la jeune professeure, une semaine après le lancement de son livre.

Rien d’autobiographique, précise-t-elle, sinon, peut-être, cette angoisse de perdre si prégnante chez les mères d’enfants en bas âge. Car pendant les sept années au cours desquelles a mûri son histoire, Stéphanie a accouché deux fois en plus de finir son doctorat (sur Andreï Makine) et son post-doctorat (sur les imaginaires du Nord).  « Il est clair que mes années passées à fréquenter l’oeuvre d’Andreï Makine ont teinté mon univers littéraire : sa manière de parler des femmes, l’intensité de son regard. »

Ainsi, Chaque fois, je t’invente – un titre qui évoque à la fois la réinvention de l’être disparu et la force de renouvellement de la fiction – est un roman à deux voix où l’auteure raconte des histoires parallèles. La première est celle d’une femme qui décide de partir à la recherche de son fils disparu. La seconde, celle d’un fils artiste qui peint et repeint le visage de sa mère morte.

Chaque fois, je t’invente, Stéphanie Bellemare-Page, Leméac Éditeur, 128 pages.

Pascale Millot