Le malaise dans l’école

Napac

Chaque jour de l’année
Est jour d’alerte, de pleine vigilance
En pleine guerre. Malheur à qui dort
À qui ferme les yeux, à qui s’aveugle !

Antonio Machado

La veille de la Journée mondiale de philosophie, mercredi soir dernier, au Lion d’Or, rue Ontario, se déroulait, organisé par la NAPAC, le Cabaret pour l’adéquation école-culture, parce que l’éducation n’est pas une marque déposée !

Contre les slogans désolants de notre époque, contre la parole marchande, qui semble de plus en plus vouloir instrumentaliser la Formation générale commune et mettre en péril la mission humaniste des cégeps, s’élève, heureusement, la voix des écrivains, des poètes, des philosophes, pour rappeler l’essentiel et garder les esprits en éveil, le cœur battant.

Hugues Bonenfant, professeur de philosophie au collège et président de la Nouvelle alliance pour la philosophie au collège (NAPAC), a prononcé le mot d’ouverture avant de céder la scène au comédien Pierre Ahmarani, venu nous lire, pour l’occasion, un poème d’Antonio Machado, puis un autre de Victor Hugo ; deux hymnes fervents, lus magnifiquement ce soir-là, pour célébrer la vigilance, la lecture et les unir dans un même combat. Aurélie Lanctôt est venue nous lire « Désapprendre la peur » de Jacques Brault, Pierre Lefebvre, de la revue Liberté,  nous a lu « De guingois », du numéro présentement en kiosque : Prendre la littérature au sérieux. Yvon Rivard, inspiré d’un vers de St-Denys Garneau, Nous ne sommes pas des comptables, nous a fait la lecture d’un texte inspirant : « Apprendre à compter autrement ».

Puis, comme le veut la formule cabaret, le slameur Fabrice Koffy, les intermèdes comiques de Fred Dubé, les prestations musicales de Jean-François Lessard, de Thomas Jensen, de Jerrycan et de David Morin ont échauffé la salle, parfois écroulée de rire, et rappelé l’engagement de la communauté artistique. L’acrobate Patrick Léonard (du collectif Les 7 doigts de la main) nous a même livré une performance sur le risque d’apprendre en salle de classe !

Finalement, dans la deuxième mouture de ce moulin à paroles, les spectateurs ont pu assister à d’autres lectures, dont celles de Natasha Kanapé-Fontaine, de Thierry Layani (du Département de philosophie d’Édouard) et de Francine Pelletier (chroniqueuse au Devoir). La comédienne Suzanne Champagne a lu un extrait de Chagrin d’école de Pennac. Puis, Bernard Émond, préférant l’image au discours, a plongé la salle dans le silence et le noir à la lecture d’un extrait de Primo Lévi, « Le chant d’Ulysse », tiré de Si c’est un homme. Alors que le narrateur peine à se souvenir des vers de Dante appris par cœur, c’est la poésie qui, en temps d’horreur, ranime en lui la flamme de l’humanité.

Ce soir-là, j’ai quitté le cabaret non pas pleine d’espoir, l’illusion n’a plus cours, mais avec un vers de Victor Hugo à la bouche : Tu deviens en lisant, grave, pensif et doux.

N. E.