Parution d’un essai de Jean-François Poupart

« J’ai passé la majeure partie de ma vie à lire de la poésie, à l’enseigner, à tenter d’en écrire et à la publier, ainsi qu’à en propager la bonne parole. On peut dire que, littéralement, la poésie m’a fait vivre. Je lui dois tout et, dans ce bref essai, je m’efforcerai de lui redonner sa juste part, dette accumulée dans les moindres tics, certitudes ici et là, doutes encore vifs, polémiques amusantes afin d’égayer le discours, mais surtout le but premier sera de la faire lire. » (Lire la poésie, quatrième de couverture)

Amor fati

Je suis venu au monde avec une belle plaie ; je n’étais pourvu de rien d’autre.

Kafka

Le dernier recueil de François Godin, le troisième après La victoire jamais obtenue (Écrits des Forges, 2011), puis La chambre aux quatre vents (l’Hexagone, 2014), vient de paraitre, cet automne, aux éditions Le lézard amoureux. Habiter est une blessure semble mettre fin à un cycle. Mais de quoi parle-t-on au juste dans ce recueil ?

D’une réalité de l’existence sur laquelle François Godin s’est quelques fois arrêté. Il s’agit d’une façon d’être au monde, celle qui lui appartient, mais qui nous concerne tous autant que nous sommes, et qui se révèle grâce à l’écriture, à la poésie qui ouvre la voie des possibles, nous mène au cœur de l’intime. Cette façon d’exister ne peut se dérouler sans heurts, puisque habiter, c’est occuper un espace, y vivre, dedans comme dehors, en soi comme en l’autre, c’est aussi créer et multiplier les postes d’observation. Dès lors, le lecteur se laisse guider par ce courage qui consiste à regarder en face la vulnérabilité humaine et à s’émouvoir devant l’incroyable capacité de l’être à se régénérer, comme en témoigne le poème liminaire :

« Je suis une cabine
qui craint les carrés ouverts
les ricochets entre les rideaux
la lecture des pages vierges

la légèreté des pas
se brise sur un sol trop dur

ma nature demeure
je cherche un chemin
entre l’abîme et la cicatrice »

On assiste, à la lecture de ce recueil, à une géométrie des mouvements. Tout semble, en effet, lié à l’espace. Habiter est une blessure est divisé en 8 sections dont les titres, pour n’en nommer que quelques-uns, sont tous plus séduisants les uns que les autres et concourent à dessiner une trajectoire : « L’insoumission des corps », « Charpente de l’intime », « Tracé de la sauvagerie », « Tomber n’est pas une fin »…

L’être, comme habitacle livré au monde, apprend à composer avec sa violence : « la géographie des tempêtes / prend racine dans ma nuque / mes flancs obéissent / aux incursions du soleil / je me désamorce / négocie mon dépeuplement ».  Le corps se trouve tantôt souffrant ou soudain assailli : « des peuples se croisent / à l’angle de mon cou et de mes épaules », mais se révèle d’une résistance sublime, jusqu’à l’épuisement.

Ainsi, « entre la force et l’abandon », se mettent en place des échanges : une sorte d’osmose. L’aventure poétique, au fil du recueil, transgresse les frontières :

« j’épuise le ciel
un couvercle au-dessus de la porte
les lettres à l’est s’illuminent
livrent le ventre du monde
son affolement
j’écris les mains dans la terre

bienvenue ici
écoutez le bruit
le vertige
ma légèreté

l’abri et le crâne
quadrature du lit »

En définitive, habiter, pour François Godin, relève du défi permanent, celui d’être pleinement présent chez quelqu’un, quelque part, comme dans une demeure. Cela revient également à apprivoiser son corps, malgré les blessures, à vivre ses relations, malgré les ruptures, et à aimer ce qui advient.

N. E.

Lancement de la 23e édition de la revue Saison baroque

L’équipe de la revue Saison baroque vous invite chaleureusement au lancement de son numéro d’automne, le mercredi 29 novembre, à 18 h, à la bibliothèque (local D-2702).

Les poètes et photographes vous présenteront leurs œuvres. Pour les étudiants, il s’agit d’un moment précieux parce qu’il représente l’aboutissement de plusieurs semaines de travail.

Au plaisir de vous y voir !

En vidéo, le parcours de la revue Saison baroque, une réalisation des Équipes vidéastes d’Édouard (ÉVÉ).

Stainless style

Stainless est le premier recueil de poèmes d’Hugo Beauchemin-Lachapelle, paru cet automne aux éditions l’Hexagone, et dont le lancement a eu lieu le 14 septembre dernier, au Quai des Brumes, à Montréal.

Il donne à voir et à lire, dans un style concis et maitrisé, une série de scènes inspirées librement du quotidien et de la vie conjugale.

Un homme – un chômeur ? – raconte ces journées faites de pas grand-chose, en même temps qu’il cherche à trouver la force d’affronter l’ascèse qui s’impose.

Cet homme, parfois inadéquat devant la routine des jours, nage souvent en plein milieu de l’océan des choses à faire et nous émeut, parce qu’il trouve surtout le temps nécessaire pour créer, pour « agacer » un poème, pour s’enfoncer en soi le long de sa langue et pour poser un regard lucide sur le monde qui l’entoure, sur la relation amoureuse qui occupe ses pensées.

La poésie surgit alors de ce quotidien qui traine par terre, jette un éclat  de lumière sur la banalité, sur la vie parfois en bordel et parvient à faire briller la réalité tant intérieure qu’extérieure, à la révéler sous ses multiples facettes.

« Tu n’entends pas les orages qui me rongent
tu n’as pas peur du silence d’une histoire
qui s’essouffle à ne pas nous raconter
à ignorer l’éclaircie de notre vie contente
quand bien même on redéfinirait l’héroïsme
qu’on ajusterait son niveau de difficulté
pour l’adapter à notre quotidien déjà usé
[…]
je module mes attentes et mes déceptions
j’ai tout appris tout seul à force d’écouter
les berceuses des conférences de presse
bientôt je serai une note en bas de page
dans ma mémoire qui ne me sert plus
qu’à ne pas oublier de ne pas oublier. »

N. E.

Écrire, dit-elle

Mercedes Font, «Espace 5», 2012 (photographie: Guy L'Heureux).

Mercedes Font, «Espace 5», 2012 (photographie: Guy L’Heureux).

France Mongeau publie, dans le numéro 149 de la revue littéraire Les écrits, une suite de dix poèmes intitulée Depuis la nuit. Comme dans son plus récent recueil, Les heures réversibles (éditions du Noroît), verbe, corps et sentiments s’y conjuguent en une forme poétique singulière et belle. « Depuis la nuit j’étreins un cœur tel un verbe au poids léger. »

« Tout passe d’abord par le langage, explique la poète et professeure de littérature au cégep. C’est comme si les mots me venaient avant les sensations, avant les émotions. »

Les poèmes publiés ici sont issus d’un ensemble plus vaste que notre collègue entend publier cet automne ou l’hiver prochain. Ces textes, construits à partir d’images précises, de souvenirs de lieux, sont traversés par un fil qui mène ailleurs. « Ce sont tous des lieux où j’ai vu ce qu’était la pauvreté », poursuit-elle. Certains sont liés à l’enfance, d’autres à des voyages. Il y a le quartier Saint-Henri à Montréal, Mexico, la Colombie, la Martinique.

Pour ce nouveau projet, France Mongeau inaugure une forme nouvelle : la prose devient vers à mesure que l’image initiale s’étiole et se fragmente. « Syntaxiquement aussi, j’ai travaillé la fragmentation », ajoute-t-elle.

Ainsi, par la ponctuation ou la typographie, certains vers offrent deux possibilités de lecture. « Elle est une amie qui repousse/quelque habitude triste contre mon sein. J’arpente

cette guerre

en elle le vocabulaire de l’arrachement sa connaissance intime des disparitions. »

Dans cet imposant numéro de la revue vieille de 63 ans, élaboré par Pierre Ouellet et Marie-Andrée Lamontagne, on trouvera quelque 24 écrits accompagnés des œuvres de la peintre Mercedes Font. Les textes sont, notamment, signés André Major, Hélène Frédérick, Roger Des Roches et Rober Racine. On peut aussi y lire un puissant récit (« Frissons d’un détraqué ») de notre collègue de philosophie Philippo Palumbo.

P. M.

La fin du monde est dans Le sabord

LeSabord106-1C’est un texte de fin du monde que notre collègue Mathieu Blais publie dans le plus récent numéro de la revue d’art Le sabord, un texte où « Tout commence tout, la mousse, lichen, la tourbe, tout vient de l’humidité, la terre de sa fange, noire et spongieuse, sa légèreté floconneuse […] » pour aboutir à « [l]’encommencement alors – à la limite du monde connu – une autre terre / Parce que j’arrive avec de neuves voyelles et d’irradiantes consonnes / Pour dire / Plus loin / Plus loin, pour exister autrement. »

Tous les auteurs et artistes visuels réunis ici ont produit des œuvres illustrant la brunante, « crépuscule métaphorique, qui évoque le déclin et la faillite, ou instant transitoire où, concrètement, l’obscurité investit la voûte céleste de ses ultimes éclats », explique-t-on en éditorial de cette 106e édition de la revue de création littéraire et visuelle québécoise.

Mathieu Blais, qui aime à réfléchir sur le concept de territoire, a choisi d’aborder ce thème par un long poème narratif accompagné des images crépusculaires de l’artiste Catherine Bolduc. Dans « À la limite du monde connu », une « voix narrative » part à la découverte d’une nouvelle Amérique qui n’existe pas encore. « Je creuse, j’explore, explique le poète-romancier, oscillant entre deux pôles : celui du corps et celui de la roche, du bois, de la forêt. »

On trouvera dans ce beau numéro quelque onze textes d’écrivains dont ceux de Michaël Lachance, David Clerson, David Goudreault et Marie-Hélène Sarrasin, ainsi que plusieurs œuvres d’artistes visuels, dont Aude Moreau et Fiona Annis.

P. M.

Flânerie poétique avec Marie-Pierre Turcot

Marie-Pierre TurcotNotre collègue Marie-Pierre Turcot est devenue, l’année dernière, membre du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ). Cette nouvelle affiliation lui permettra, entre autres, de poursuivre ses recherches sur la lecture littéraire au sein du Laboratoire intercollégial de recherche sur l’enseignement de la littérature (LIREL). Un des objectifs qu’elle poursuit est de faire en sorte que les étudiants s’intéressent à la poésie. Partant du constat que « le genre poétique effarouche : ses images, ses symboles, ses jeux syntaxiques et linguistiques paraissent souvent indéchiffrables au lecteur peu expérimenté », elle a mené une expérience propre à amener les étudiants à apprécier ce genre. Sa méthode ? La flânerie, un mode de découverte du monde de plus en plus délaissé dans nos sociétés fébriles et en quête de performance.

Cette approche, qu’elle a développée au cégep Édouard-Montpetit dans le cours de la formation générale « Littérature et Imaginaire », a fait l’objet d’une communication lors du dernier congrès de l’AQPF (Association québécoise des professeurs de français). « Je me suis inspirée de la figure du libre lecteur de Daniel Pennac, explique la professeure, pour proposer à mes étudiants une flânerie littéraire au cours de laquelle chaque élève a pu lire, au gré des hasards et des découvertes, des poèmes de son choix, au sein d’un corpus balisé ».

En procédant ainsi, la professeure espère développer chez l’élève l’habitude de lire de la poésie, stimuler sa confiance face au genre poétique, encourager le plaisir de la lecture et la découverte des goûts personnels en poésie.

À l’issue de cette expérience stimulante, Marie-Pierre se disait impatiente de récidiver puisque le regard de ses élèves sur la poésie a réellement été transformé au terme de leur parcours. « Ils ont découvert l’infinie diversité de la poésie et ont apprécié la liberté et la créativité qu’encourage cette approche. »

P. M.

Lancement de la 21e édition de Saison baroque

Saison baroque - 21La revue Saison baroque réunit les mots et les images dans un seul canal. La poésie s’associe aux photos en noir et blanc pour explorer « en une seule phrase nombreuse » (Miron) nos aspirations d’un monde meilleur, les profondeurs du sentiment et de l’âme humaine, les différentes représentations du monde ainsi que les multiples cris qui sommeillent en nous et éclatent en vers… Aux pouvoirs de la musique, de la langue, et aux trésors de la pellicule s’ajoute le désir de pratiquer une fissure dans le mur du quotidien plus souvent qu’autrement utilitariste et d’exprimer le bonheur du hasard, de l’impulsion et de la non-conformité. « La poésie est une patiente impatiente » (Desbiens), elle dépasse largement le cadre de ses pages, elle rebondit dans les clichés en noir et blanc et ramasse ses richesses pour les répandre dans les yeux de ses avides lecteurs.

Pour une 21e fois, cet automne, résonneront les mots, ces cassures de vers, et les lumières issues de la camera obscura. Célébrons la culture, célébrons la parole !

Le lancement aura lieu le jeudi 1er décembre, à 18 h, au Centre d’exposition Plein sud du Cégep Édouard-Montpetit.

Entretien avec la poétesse Louise Dupré

Louise DuprŽDans le cadre du cours de littérature québécoise 601-103, notre collègue Marina Girardin recevra, le mercredi 7 décembre prochain, la poétesse Louise Dupré qui viendra rencontrer les étudiants pour parler de son dernier recueil, Plus haut que les flammes, mais également du rapport des écrivains québécois à la Shoah. La rencontre aura lieu à la salle Lassonde, située au C-30, à midi précise. Tout le collège est invité à venir y assister.

François Godin en lice pour le prix de la création de Radio-Canada

François GodinFrançois Godin fait partie des 20 auteurs sélectionnés pour les Prix de la création de Radio-Canada dans la catégorie poésie. Sa suite de poèmes S’égarer tout près d’ici-Valparaiso a séduit le jury qui a établi cette première liste de candidats. Les noms des finalistes seront dévoilés la semaine prochaine tandis que le grand gagnant ne sera connu que le 16 novembre.

C’est après un voyage à Valparaiso, au Chili, que François Godin a voulu témoigner, par l’art poétique, « de l’aventure et du bonheur de s’égarer dans les rues de [cette] ville côtière et portuaire au visage singulier. »

P. M.